JOUR 5 : DU VILLERET D’APCHIER À ST-ALBAN (18,5 km)
Collines et vallons façonnent le paysage sur ce plateau rocailleux des hauteurs de la Margueride. Cette étape se déroule pour nous par un temps grisâtre et ponctué d’averses. Mais « randonner », c’est aussi accepter les caprices de la météo et conserver sa bonne humeur.

LE DOMAINE DU SAUVAGE
Le Domaine du Sauvage, un des attraits de ce parcours selon les guides touristiques, est une ancienne domerie templière fondée en 1198. Ce bâtiment-hôpital, conçu à l’époque pour recevoir, nourrir et soigner les pèlerins de passage, abrite aujourd’hui un gîte d’étape où l’on peut passer la nuit et se restaurer. Décevant toutefois! Un mélange pas vraiment harmonieux de vestige du temps passé et de modernisme au goût du jour ! Seul le panorama dans ce col désert vaut une mention. Non loin de là, une fontaine du XIIème siècle et une chapelle dédiées à Saint-Roch, le saint patron des pèlerins, méritent un court arrêt.

LA FONTAINE ST-ROCH
Caprice du temps aidant, cette étape ne serait certainement pas restée gravée dans nos mémoires si nous n’avions pas passé ce jour-là une soirée riche en rencontres.
Ferme-étape, la CROIX DU PLO au Rouget dispose de deux types d’hébergement distincts : un bâtiment avec chambres-confort où nous avions réservé et un gîte avec chambres et sanitaires partagés, chaque endroit disposant d’une cuisine et d’une salle-à-manger. Nos hôtes ne servent pas à table mais ont préparé un repas complet qu’ils livrent à leurs invités pour le souper : c’est une formule que l’on retrouve de temps à autres en randonnée, qui laisse les randonneurs entre-eux et où tout le monde met avec plaisir la main à la pâte pour dresser le couvert, réchauffer les plats et naturellement ranger et débarasser la table. Nous acceptons bien volontiers l’offre du propriétaire de partager ce repas avec les randonneurs du gîte plutôt que rester dans « nos appartements ».

LE GÎTE » LA CROIX DU PLO » AU ROUGET
Nous sommes douze personnes à table ce soir-là dont trois d’entre-elles sont en route pour rejoindre Santiago à environ 1500 km de distance : en chemin depuis plusieurs jours, un pasteur protestant qui marche depuis l’Allemagne et deux jeunes randonneurs qui arrivent de Suisse. De passage également, une québecoise qui a commencé son périple cinq jours plus tôt au Puy-en-Velay, deux couples de français à la retraite, deux « randonneuses » avec qui nous marchons de concert depuis hier et nous mèmes.
C’est une règle non-écrite sur les Chemins de Compostelle : les motivations du voyage sont propres à chacun et il est de bon ton, sans poser de questions trop personnelles, de laisser chacun décider s’il désire les partager ou non. Sauf pour les deux couples de retraités et nous-mèmes qui souhaitions simplement randonner sur une courte période, les motivations peuvent être toutefois bien différentes.

EN CHEMIN VERS ST-ALBAN
Pour le pasteur, c’est un voeu qu’il concrétise et, en cours de route, l’occasion d’une réflexion sur son sacerdoce. Un bel exemple d’ouverture : protestant, il a choisi un pélerinage catholique!
Pour les deux jeunes suisses, c’est un défi d’endurance et ce n’est pas leur première expérience : travaillant généralement une année complète pour économiser, ils prennent par la suite une année sabbatique pour parcourir le monde à pied. Gestion de leurs finances oblige, ils dormiront gratuitement au gîte à l’invitation du propriétaire et tout à l’honneur de ce dernier.
Notre québécoise de Trois-Rivières, randonneuse solitaire, est en route pour cinq à six semaines, elle ne sait pas. Elle aussi à pris un congé sabbatique, laissant conjoint et enfants au pays : on comprend assez vite qu’elle veut profiter de cette période pour faire le point sur sa vie familiale et professionnelle.
Quant à nos deux « randonneuses », celles avec qui nous partageons récemment la route, ce sont deux amies de longue date. L’une d’elles, qui vient de connaître une période deuil très difficile, a enfin accepté de suivre son amie dont le but essentiel est de lui redonner goût à la vie. Un bel exemple d’amitié.

Cette soirée est restée un moment fort de notre séjour … Est-ce-que marcher vers Compostelle, sur les traces de milliers de pèlerins, invite plus qu’ailleurs à la réflexion? Sans aucun doute … Que l’on soit croyant ou non, Compostelle demeure un pèlerinage : religieux pour les uns, retour aux sources en se déplaçant à pied pour les autres et finalement pour tous un retour sur soi en cours de route, lors de moments privilégiés où l’on est seul avec soi-mème en mettant un pied devant l’autre … À chacun son chemin!
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